L’album d’Alfred de Musset, amis, famille, lieux…
Ulric GUTTINGUER
« En 1840, Guttinguer avait cinquante-
C'est du moins ce qu'il a raconté dans le roman d'Arthur. Mais il convient, pour n'être pas dupe, d'en prendre et d'en laisser. On se tromperait étrangement, par exemple, si l'on s'imaginait qu'il vivait là, dans la prière et la pénitence, à côté d'une tête de mort, comme les anachorètes de la primitive Eglise, qui se retiraient au désert. Guttinguer comprenait la religion à la façon des épicuriens ou, ce qui revient au même, à la façon de Chateaubriand. Il la conciliait avec toutes les passions de l'amour. Pour lui c'était une rose mystique qu'on devait effeuiller d'une main pieuse sur un beau corps de femme pâmée. Aussi les femmes et les poètes romantiques connaissaient-
Musset aussi fit le voyage de Saint-
Ulric, nul œil des mers...
qui suffiraient à immortaliser le nom de son hôte, si Guttinguer n'avait dans son propre bagage de quoi le sauver à tout jamais de l'oubli. Car il avait un véritable talent d'écrivain, un talent de femme et qui sentait la culture du XVIII siècle, auquel il appartenait par sa naissance et son éducation. Le roman d'Arthur, qui au fond n'est autre que le sien, tourna plus d'une tête à son apparition et lui conquit plus d'une âme sœur. Il se lit encore aujourd'hui avec plaisir, sinon avec fruit, la mentalité des lecteurs de romans variant d'une génération à l'autre. Et quant à ses poésies, dont Sainte-
Cependant il vint un jour où il éprouva le besoin de se rapprocher de Paris. C'était en 1836, après son mariage. Il acheta à Saint-
Ce ne fut pas sa faute, par exemple, si Musset mourut dans l'impénitence finale. On sait ce que ce mot veut dire. Vingt fois il l'avait mis en garde contre les boissons excitantes et vingt fois il lui avait prêché, à défaut du mariage, pour lequel il ne lui semblait pas fait, « une bonne fin tranquille dans un port aimable et sûr ».
Mais Musset était de ces malades qui ne veulent pas guérir et ne se relèvent que pour retomber. Le 2 juillet 1838, Sainte-
C'était si triste que Guttinguer adressa une verte semonce à Musset. Il y répondit en riant par les vers qu'on va lire. Ce n'était pas la première. Dès le mois de septembre 1829, après avoir reçu sa visite au Chalet, il lui adressait une pièce de vers se terminant par ce souhait
Puisse Dieu,
Te donner à Racine et t'ôter à Byron.
(Fables et Méditations)
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A ULRIC GUTTINGUER
Jugez combien l'ivresse est sainte,
Puisque avec deux verres d'absinthe
On peut doubler le firmament.
(Vers trouvés dans les papiers de Guttinguer)
« Comment se fâcher, je vous prie, avec quelqu'un qui prend si gaiement les remontrances ? Guttinguer se contenta donc de rire de ces petits vers et continua à pratiquer Musset comme devant.
Il fit plus, il le défendit, la plume à la main, chaque fois qu'il en trouva l'occasion ».
Léon Séché, Etudes d'histoire romantique, Tome 1, Paris, Mercure de France, 1907.
• Vers le vibrant poème de Musset à Guttinguer
• Vers le chalet suisse d'Ulric Guttinguer...
Madame Ulric Guttinguer
née Virginie Gueudry,
d'après une miniature appartenant à M. d'Ervillé.
Léon Séché, Etudes d'histoire romantique, Tome 1, Paris, Mercure de France, 1907.